Mais alors, faut-il arrêter de mesurer ? Il me semble que non, la mesure est très utile quand on applique d’abord deux filtres.
D’abord, il convient de répondre à la question de l’utilité réelle. Énormément de projets et d’entreprises ne passent pas ce filtre. Ainsi, les marchés des sodas, des SUV, de l’IoT (Internet of Things, l'internet des objets), de la fast fashion, du fast food, des intrants agricoles chimiques sont des inventions de “besoins” par le marketing. Ces marchés doivent disparaître, et pour cela, il faut légiférer. En attendant, il me semble nécessaire de reconnaître que tout ce que nous faisons au service de ces marchés contribue au problème et pas à la solution.
Ensuite, il faut estimer la soutenabilité, en son âme et conscience. Je parle bien d’estimer en tant que citoyen, et pas de mesurer en tant que technicien. Ainsi de l’industrie spatiale ou de l’aéronautique, quand bien même il y a une utilité (pour le spatial, c’est une question délicate), pouvons-nous nous permettre d’y consacrer tant d’énergie et de ressources ? Sur le spatial, pour moi, la réponse est non : essayons de vivre harmonieusement sur notre planète avant d’aller en polluer d’autres. Sur l’aérien, il me semble qu’il faut stopper tous les vols low cost, c’est insoutenable.
Une fois qu’un projet ou une organisation a passé les filtres de l’utile et du soutenable, là il faut commencer à mesurer. Prenons le cas qui nous occupe depuis deux ans chez noesya : les sites Web des universités. C’est utile, parce que la culture est indispensable et qu’elle doit être publique, hors du marché. C’est une des priorités les plus hautes d’une société, si ce n’est la plus haute. C’est soutenable, parce qu’il n’y a pas de meilleure solution que des écoles avec des enseignantes et des enseignants pour transmettre des connaissances, des savoir-être, des savoir-faire, et former des citoyennes et des citoyens. Il n’y a pas de mesure dans ce que je viens d’énoncer, mais des valeurs et des choix politiques.
Ensuite, nous entrons dans la mesure. Depuis que nous codons Osuny, nous mesurons les sites que nous produisons, et nous essayons de réduire tout. Le poids des pages, le nombre de requêtes, le DOM, la charge serveur... Tous les outils qui nous permettent cela sont bienvenus. À l’échelle d’une université, la mesure est pertinente, surtout si elle permet de diminuer l’impact en décommissionnant des services ou en améliorant leur efficience, ce qui veut dire qu’il faut des actions importantes suite à la mesure.